ENQUETE 3 : MEMOIRES A RISQUES
"LE PEUPLE DES CHOMEURS EST BIEN UNE
POPULATION A RISQUE"
Y-a-t-il des personnes qui soient plus en danger que d'autres de voir leur mémoire s'étioler au cours des années ?
Pour le savoir, nous avons mené une grande enquête auprès de plus de 1500 personnes, des actifs, des retraités, des chômeurs. Il est apparu que la population qui réunit le plus de risques de fragilisation de la mémoire n'est pas celle des personnes âgées comme le pensent la plupart des gens, mais bien celle des chômeurs. Marginalisés, vivant souvent un très fort sentiment d'inutilité sociale et de rejet, ils sont bien plus en situation de risque que les retraités. Lorsqu'ils prennent conscience de ces difficultés qui s'ajoutent à leurs difficultés professionnelles, c'est un vrai découragement qui risque de s'installer compromettant leurs efforts pour retrouver un travail. En réalité, leurs difficultés de mémoire ne sont pas le signe d'une détérioration inéluctable, mais celui d'un appauvrissement lié à leur rupture avec l'environnement. Ce ne sont pas les appels à l'effort, ni les exercices qui redonneront du dynamisme à cette mémoire engluée dans l'échec. Travailler à sortir de la situation d'échec, retrouver confiance en soi, s'appuyer à nouveau sur des relations créées par la vie : les voisins, les courses, les vacances, les formations, les clubs..Ce maillage au quotidien de nos journées par des rencontres stimulantes serviront de déclencheurs permanents de notre fonction mémoire. C'est la voie royale d'une remobilisation de neurones, devenus chômeurs eux aussi, par manque d'occasion de servir.
Des professions dangereuses : Quitter la vie professionnelle est, de toutes façons, une rupture avec un milieu toujours stimulateur de mémoire. Les contacts avec les autres, les consignes du travail, les obligations professionnelles à ne jamais perdre de vue : calendrier, téléphones, noms des clients, sont autant d'occasion de mobiliser, sans bien même nous en apercevoir, une fonction mémoire, plus ou moins performante, mais avec laquelle nous vivons depuis le commencement de notre vie.
La rupture de ces liens et de ces occasions de retenir constitue comme la mise à mal d'un système permanent de stimulation qui fonctionnait vaille que vaille depuis notre entrée au travail. J'avais, sur le plan professionnel, une mémoire exceptionnelle. Je connaissais pratiquement par cour le. nom de tous les personnels de l'entreprise dans laquelle je travaillais. Les N° de téléphone de la clientèle se fixaient en moi sans effort. Les codes obligatoires à retenir des quelque 2000 articles de notre catalogue n'avaient pas de secret pour moi. Par contre, ma mémoire familiale était nulle : c'est tout juste si je retenais les anniversaires essentiels de la vie familiale. Savoir le menu du dernier anniversaire dépassait complètement mes moyens. Heureusement j'avais ma femme. Elle veillait à tout et se rappelait tout. Retraité depuis 2 ans, je n'ai plus de mémoire professionnelle, je n'ai toujours pas de mémoire familiale. Je suis un homme sans mémoire Certaines professions sur ce plan sont encore plus à risque que d'autres : celles qui en même temps qu'elles impliquent un gros investissement affectif, sont en fait l'occasion permanent de notre travail de mémoire. L'enseignant qui écoute les informations ou lit sa documentation en pensant sans cesse à la façon dont il utilisera ces informations dans son enseignement, vit en quelque sorte pour sa classe. L'infirmière qui retient les noms de ses malades et les médicaments qu'elle doit leur porter, sans cesse contrainte à retenir de nouvelles données, mémorise en chaque instant, simplement pour faire son travail avec humanité. Lorsque, à leur entrée en retraite, les élèves sont ôtés aux enseignants, les malades aux infirmières, c'est le déclencheur permanent de l'activité mémoire quotidienne qui disparaît, en même temps que l'urgente obligation de renouveler ses connaissances. Il faudra rapidement que d'autres déclencheurs prennent la relève sous peine de diminutions plus ou moins rapide des performances de mémoire, voire sous peine de moments dépressifs qui entraîneront dans leur sillage des pertes significatives de mémoire. LIEN :
L'ENVIRONNEMENT & LA MEMOIRE "PRESENTATION"
ENQUETE 2 : MEMOIRE ET VIE RELATIONNELLE